Un petit d'homme de cinq ans

Publié le 24 Juillet 2011

Je me rappelle exactement ce que je faisais le 24 juillet 2006 à 23h16. Je sortais d’un resto sur Vincennes avec ton père car nous ignorions quand nous pourrions nous en faire un autre. Ta venue au monde était programmée pour le lendemain à 7h30 : tu avais tranquillement adopté la posture du lotus dans mon bidon, alors autant t’aider à sortir de là pour le bien de tout le monde. On était probablement un peu fébrile parce qu’on savait que notre vie ne serait plus jamais la même mais serein. On t’avait attendu. Putain, qu’on t’avait voulu ! Le prix à payer, financier, moral, physique, psychologique n’était rien au regard de ce que tu représentais pour nous.

 

C’est peut-être à cause de ce parcours du combattant que je me suis imposée de ne pas trop t’investir, de ne pas faire de toi l’enfant cadeau parce que trop lourd à porter. C’est peut-être pour ça que je ne me suis pas attachée tout de suite comme j’avais lu que cela se passait pour les femmes faites mères. Il m’a fallu du temps, de nombreux mois en réalité pour être bouleversée par tout cet amour que je te portais. Je savais pourtant que ce temps était nécessaire pour que mon sentiment s’enracine profondément.

 

Et ce soir, je t’ai mis au lit en te disant que demain tu les aurais enfin tes cinq ans, après cette nuit. Tu étais heureux et j’étais fière. Fière parce que tu es un petit d’homme bien dans ses pompes, qui grandit avec des valeurs saines, qui se fout de l’esprit de compétition, sensible à la beauté qui t’entoure, attentif, indifférent à une certaine normalité des enfants de ton âge, avec déjà certaines convictions. Tu avances tranquillement dans ta vie.

Si nos traits ont peu de points communs, je vois des similitudes dans nos caractères. J’en connais les points forts mais je sais aussi les dangers qui tu guettent. Je voudrais te protéger de ton hypersensibilité et te rendre invincible, mais ce n’est pas en mon pouvoir alors je te laisse continuer en essayant parfois de t’endurcir. Je hais ces moments où je me fâche et je voudrais parfois arrêter non pas le temps, mais profiter pleinement de te voir grandir. Je voudrais être moins fatiguée pour savourer encore plus ton enfance.

 

La configuration de notre famille aujourd’hui créera forcément des liens particuliers et forgera ta personnalité. J’ignore quel adulte tu deviendras ; je n’ai pas en mains toutes les clés, et heureusement. Je veux simplement, lorsque tu seras adulte, pouvoir te regarder droit dans les yeux sans faillir.

 

Aujourd’hui, ma vie n’est pas complètement centrée sur toi et la mouflette mais les priorités ont changé. Je crois parvenir à réparer les pots cassés d’une famille éclatée et lorsque je regarde les progrès que tu as faits cette année, je peux dire que nous sommes sur la bonne voie. Il m’arrive parfois d’être terrassée par l’amour que tu fais naître en moi. Un geste anodin peut en être à l’origine et cette sensation puissante n’a pas de prix : elle efface les doutes, les larmes, les culpabilités.

 

Suis ton chemin mon petit d’homme ; trace ta route en t’affranchissant de tout ce qui te pèse sans pour autant oublier ceux qui t’aiment et alors, rien n’aura été vain.

Rédigé par Jenny Grumpy

Publié dans #Bébé-Enfant

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