Lecture : Les femelles de Joyce Carol Oates

Publié le 26 Mai 2010

 

Les-femmes_Oates.jpegJoyce Carol Oates fait partie des rares auteurs dont je crois avoir lu la quasi-intégralité de l’œuvre : je suis une inconditionnelle de son appréhension de l’Amérique contemporaine. Cette grande dame de la littérature - pour reprendre l’expression consacrée - est obsédée par la violence, la féminité, la beauté, le pouvoir, la sexualité, et son écriture en porte les stigmates au détour de chaque phrase. Evidemment, ses romans sont d’une densité fabuleuse, comme je les aime avidement.

 

Pourtant, le dernier (Fille noire, fille blanche) m’a un peu déçue au point que je ne vous en ai pas parlé ici.  Mais quand j’aime à ce point, je persévère (comme quoi, je peux avoir le goût de l’effort si je veux) : me voilà donc dans le métro avec Les femelles, un recueil de nouvelles tout juste édité en poche. Sauf que, comme j’ai tendance à acheter les yeux fermés pour Oates, je ne savais pas qu’il s’agissait de nouvelles justement et c’est loin d’être mon genre littéraire favori : souvent trop court justement, trop frustrant, trop brouillon d’une certaine manière surtout pour les auteurs qui me vrillent les tripes.

 

Si j’en crois mon grand ami Robert (dico de son prénom), une femelle est un "animal du sexe qui reproduit l’espèce" : Joyce Carol Oates n’en a retenu que le côté animal.

Plutôt que de perpétrer le genre humain, ses créatures en éliminent les déclinaisons les plus toxiques pour l’humanité ou a minima pour leur humanité. Neuf nouvelles, neuf prédatrices : lolita version trash, infirmière dévouée, vendeuse excédée, épouse épuisée… Toutes laissent exploser le côté obscur de la force (désolée pour la référence à un film que je n’ai même pas vu) que chacune porte en nous. A moins d’être une nonne, vous avez sûrement (enfin j’espère pour moi, sinon ça signifie que je suis une grande dingue) ressenti un jour cette vague de sauvagerie qui vous submerge, le plus souvent au moment où vous vous y attendez le moins. En bon animal civilisé que nous sommes, chacune tente de la maîtriser vaille que vaille : le combat est épuisant mais on y parvient. Pas elles : Lucretia, Poupée, Kristine… sont des femmes essentiellement instinctives qui laissent leur sadisme exprimer toute sa puissance. Elles tuent par nécessité, par plaisir, par ennui, par colère voire par altruisme sans regarder ce qu’elles laissent derrière elles ; parce qu’il le fallait c’est tout.

 

Avec cette virtuosité si singulière, Joyce Carol Oates nous entraîne méthodiquement dans l’univers de ses femelles. Mais comme je suis probablement tordue, loin d’être déstabilisée, c’est de l’empathie que j’ai éprouvée pour leur parcours criminel parce que leur liberté est inexplicablement totale, pleine. L’écriture sobre et âpre participe sans nul doute à cette sensation troublante, mais si jubilatoire… comme si l’on exécutait par procuration. A mon sens, Les femelles fait partie de ce corpus de bouquins indispensables à lire, pour mieux explorer sa féminité et à relire… comme piqûre de rappel lorsque l’on se perd.

 

 

Joyce Carol Oates, Les femelles, Points, 2010, 331 p.

Rédigé par Jenny Grumpy

Publié dans #Lecture

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J
<br /> Et "A la campagne part 3" alors, ça donne quoi?<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> A suivre je pense !!<br /> <br /> <br /> <br />