Ce qu'aimer veut dire

Publié le 30 Janvier 2013

J’emprunte en toute modestie ce titre au roman de Matthieu Lindon parce qu’il est sublime de simplicité.

Le sentiment amoureux est un concept qui m’a toujours interrogée et ces interrogations se posent parfois avec davantage d’acuité.

On aime certainement comme on a été aimé ou dans un processus de stricte contradiction. Je relève certainement du premier schéma. Mes parents m’ont élevée dans un amour incroyable et très privilégié, du moins c’est ainsi que je le perçois rétrospectivement. D’aucuns diront que mon statut d’enfant unique y a beaucoup contribué, mais cela m’est égal.

Je ne suis pas certaine que cet amour m’ait rendue forte mais il a construit la femme, la mère et l’amoureuse que je suis aujourd’hui.

 

Peut-être devrais-je ajouter "hélas" car ce qui qualifie probablement le mieux la façon dont j’aime, et dont j’ai été aimée, est le terme "dévotion". La définition du mot est suffisamment éloquente : « Piété, attachement à la religion ou aux pratiques religieuses. ». Etendue aux lettres, la dévotion désigne l’attachement quasi religieux à quelque chose ou à quelqu’un, la vénération.

J’aime pleinement, sans discernement et avec une réelle intégrité, enfin mon intégrité. Je porte aux nues l’objet de cet amour, le hisse sur un piédestal de toutes mes forces, quitte à m’épuiser. Je me refuse à voir les défauts, les gomme, les minimise. Je tolère beaucoup, du moins j’aime à le penser. Je sais parfaitement ce que l’on pourrait me rétorquer : je n’aime pas tant l’autre que le reflet de cet amour ou l’idée de l’amour absolu. C’est d’un égoïsme, d’un égocentrisme extrême à bien y regarder. En prendre conscience s’appelle la maturité. Le chemin sera long avant d’y parvenir. Pourtant je m’y attelle, pour moi d’abord, pour les enfants, pour l’autre.

 

J’ai cru qu’il était merveilleux d’être aimé par moi. Je me suis fourvoyée. Persuadée que l’amour était la seule chose qui donnait sens à mon existence, je m’y suis jetée sans retenue. J’ai nié minutieusement les autres valeurs, vécu comme dans une bulle : renvoyant par là-même une image présomptueuse parce que persuadée de détenir l’unique vérité. J’ai continué à mettre un mouchoir sur ce que je ne voulais pas voir : les échecs, les mensonges, les petits arrangements avec la réalité, les mesquineries… Ce n’est pas le signe d’une grandeur d’âme ou d’une force de caractère. C’est au contraire la preuve cruelle d’une faiblesse, voire d’une lâcheté.

J’ai fait mien le mythe de l’amour androgyne primitif tel que le décrit Aristophane dans Le Banquet de Platon : la convoitise perpétuelle de l’unité avec l’autre, ce qui implique une déchirure constitutive et originelle.

 

J’en viens désormais à penser qu’il est très pesant et très encombrant d’être aimé de la sorte ; du moins je m’efforce de m’en convaincre. Il ne peut en résulter que du chagrin, de la déception et une infinie tristesse. Il me faudrait tendre à l’équilibre, la sagesse si chère à l’adulte que je me dois d’être. Un enjeu colossal…

Rédigé par Jenny Grumpy

Publié dans #Réflexion

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