Lecture : Etre père disent-ils

Publié le 16 Juin 2009

Si les femmes sont très bavardes sur leur apprentissage et leur ressenti de mère, les écrits des pères sur cette bouleversante expérience sont plus rare. Et à quelques jours de la fête des pères (pour ceux qui la souhaitent), ce recueil est une idée de cadeau très original.

 

Etre père disent-ils rassemble la parole de sept écrivains français sur leur sentiment en tant que père, ce qui les attache à leurs enfants : cet amour unique et universel. Philippe Claudel, Patrick Besson, Philippe Delerm, Jean-Yves Cendrey, Olivier Adam, Thierry Consigny et Boualem Sansal se sont prêtés à cet exercice avec au final, un résultat rare et sublime. Chacun à leur manière, ils évoquent leur paternité, du côté de l’anecdotique pour certains, de façon plus globale pour d’autres. Et parmi ces sept beaux textes, il en est un magnifique, d’une poésie délicieuse : celui de Philippe Claudel, "Ma petite fille". En 30 pages, il parvient à mettre des mots sur ce qui fait le père, le père absolu. Il a su saisir et nommer ce mélange de peur, d’amour démesuré, de douleur, d’angoisse, de désir, de tendresse, de chagrin, de jalousie, de curiosité et de dépendance que sont les sentiments envers son enfant : tout est question d’équilibre. Il balaie subtilement toutes les étapes qui font ou feront de sa petite fille une adulte et soulève toutes les cruelles questions qui se poseront à un moment ou à un autre : « Que t’aura-je appris ? Que retiendras-tu vraiment de moi ? M’aimeras-tu toute vie ?... Comment être ton père ? Comment être père tout simplement ? »

Bien entendu, si les phrases de Claudel résonnent tant en moi c’est parce qu’il se rapproche de ma conception de la parentalité. Je me reconnais dans ces regards à la dérobée que l’on jette à son enfant, dans ces instants magiques de plaisir partagé (lecture, chansons…), dans les moments de panique irrationnelle où la peur nous submerge et dans cet objectif exclusif qui guide Claudel : rendre son enfant heureux et bien dans sa peau.

 

Mais il serait injuste de négliger les six autres auteurs qui ont donné vie à cette singulière édition. Boualem Sansal est celui qui a la vision la plus douloureuse de la paternité, certainement car elle se révèle à lui lorsqu’une de ses filles disparaît ; « se poser des questions, s’inquiéter et souffrir, rêver et se morfondre » c’est cela être père. Bizarrement, celle de Thierry Consigny, dont la fille est morte noyée, l’est moins. Il réussit la prouesse d’élever la notion de paternité et de la placer dans un cycle perpétuel : le père que l’on est, n’est que le fils de son propre père. L’approche se veut plus métaphysique mais tout aussi poignante.

Un dernier mot enfin sur le texte de Philippe Delerm qui s’exprime ici sur son fils, Vincent. Fidèle à son écriture, Delerm père saisit avec une acuité étonnante l’enchantement de l’enfance.

 

Etre père disent-ils est autant un recueil de nouvelles, qu’un essai sur les paternités : sept paternités ici, toutes différentes et à la fois si semblables. A offrir ou à s’offrir absolument.


 

Etre père disent-ils, L'Iconoclaste, 2009, 252 pages

Rédigé par Jenny Grumpy

Publié dans #Lecture

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S
<br /> Merci jenny !!!! j'ai vu ce bouquin cet été en vacances...et depuis je le cherche...mais je me rappelais plus du titre !<br /> <br /> <br />
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